Il faudrait privilégier les familles aux institutions pour
accueillir les orphelins, estiment les autorités et l'Unicef
Le Cambodge compte aujourd'hui quelque 500 000 orphelins, et devrait
en compter au moins autant en 2010, selon une étude réalisée
voici quelques mois par l'agence de coopération américaine
Usaid et les Nations unies. Un enjeu social majeur, accentué
depuis quelques années par l'épidémie de sida
(20% de ces enfants sont aujourd'hui des "orphelins du sida",
une proportion qui devrait passer à 27% en 2010), qui a conduit
les autorités du royaume à participer pour la première
fois, en mai dernier, aux travaux des Etats signataires de la Déclaration
de Stockholm sur l'accueil des enfants.
"L'objectif est que le Cambodge se dote d'un cadre général
dans ce domaine", note Rose-Anne Papavero, une experte de l'Unicef
détachée auprès du ministère des Affaires
sociales (Mosalvy), alors que s'est ouvert hier à Phnom Penh
un colloque de deux jours destiné à permettre aux
professionnels du pays (gouvernementaux, ONG, privés) de
réfléchir aux recommandations de la Déclaration
de Stockholm.
Objectif de celle-ci : mettre en place des critères de base
pour l'accueil des enfants, et surtout limiter autant que possible
les placements en institutions au profit d'une prise en charge par
la famille élargie ou par le voisinage, de façon à
ce que les enfants grandissent au sein de leur communauté.
"A Stockholm, tous les participants ont estimé que le
recours aux centres ne doit être envisagé qu'en tout
dernier recours, et qu'il doit être strictement encadré",
rappelle Keo Borentr, directeur général du Mosalvy,
et chef de la délégation cambodgienne qui avait participé
aux travaux de la Déclaration en mai en Suède.
De fait, grâce à la tradition, une grande majorité
d'enfants trouvent assez spontanément une famille d'accueil.
"Les situations sont toutefois très variables : certains
sont adoptés comme de vrais enfants de la maison, d' autres
sont littéralement exploités", souligne Rose-Anne
Papavero. D'où la nécessité, pour le Mosalvy
et l'Unicef, de mettre en place un cadre permettant le suivi de
ces enfants et facilitant, pour les familles cambodgiennes qui le
désirent, les procédures d'adoption officielle. D'où
la nécessité aussi, selon Rose-Anne Papavero, de pouvoir
venir ponctuellement en aide aux familles désireuses de recueillir
un enfant, mais qui sont contrariées par leurs propres difficultés
matérielles. "Une étude menée à
Svay Rieng a montré que 80% des orphelins vivent avec leurs
grands-parents", s'est réjouie l'experte. "Mais
hélas, cette couche de la population est souvent en voie
de paupérisation."
Pour le coordinateur du programme de l'Unicef au Cambodge, Tomoo
Hozumi, l' éducation en milieu communautaire n'en reste pas
moins le meilleur moyen de "limiter les conséquences
négatives qui résultent d'une éducation dans
un centre". Car si les 2000 enfants vivant dans des orphelinats
d'Etat sont souvent "noyés" dans des groupes trop
grands et élevés avec très peu de moyens, les
quelque 6 000 enfants accueillis dans des centres gérés
par des ONG courent, dans certains cas, un autre risque. Celui d'être
piégés dans des "jardins magiques" leur
offrant des conditions matérielles de vie complètement
déconnectées du reste de la société,
ce qui compromet gravement leur intégration, a confié
un expert sous le couvert de l'anonymat. "Le développement
des centres a répondu à une urgence post-conflit.
Mais le bien-être des enfants et le développement durable
passent aujourd'hui avant tout par une prise en charge familiale
et communautaire", souligne lui aussi Etienne Poirot, chargé
de programme à l'Unicef.
Les centres, qui devraient faire l'objet d'ici la fin de l'année
d'un sous-décret encadrant leur activité, ne sont
pas appelés à disparaître. "Ils gardent
un rôle important à jouer en cas d'urgence, et plus
particulièrement quand il s'agit d'apporter un soutien psychologique,
souligne Rose-Anne Papavero. Mais il serait opportun que certaines
ONG dégagent une partie de leurs fonds pour encourager l'accueil
des enfants au sein des communautés,même si cela leur
assure une visibilité moindre vis-à-vis de leursfinanceurs."
PhS
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