Hun Sen flatte son bilan et critique l'aide internationale
Le Premier ministre s’en est une nouvelle fois pris à l’efficacité de l’aide internationale, jeudi devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, tout en dressant un bilan extrêmement flatteur de l’action de son gouvernement.
“La démocratie est solidement enracinée, l’ordre public et le respect de la loi ont fait des progrès tangibles et constants, les droits de l’Homme sont entièrement protégés et la spectaculaire croissance économique est manifestement évidente”, a lancé Hun Sen devant les représentants de quelque 170 pays membres de l’Onu, avant de critiquer ouvertement les partenaires qui ont accompagné le gouvernement sur la voie de cette éclatante réussite. “Le partenariat global entre pays pauvres et pays riches devrait reposer sur le respect mutuel et la confiance, le partage des responsabilités et la transparence”, a-t-il déclaré avant d’estimer que “les agendas politiques cachés et les idéologies changeantes [des donateurs] visant à exercer une influence coercitive sur les pays destinataires doivent prendre fin. Cela sert uniquement à punir les pauvres”. Après avoir déploré que l’aide soit soumise à toujours plus de conditions, le Premier ministre a regretté que la manne internationale, au lieu d’être dirigée vers les “vrais pauvres”, soit en grande partie absorbée par l’assistance technique. En résumé : “L’aide est délivrée pour répondre aux exigences des donateurs, et au bout du compte, l’argent est réinvesti au profit de leurs économies ou de consultants étrangers même lorsque ceux-ci sont incompétents ou ne connaissent pas le pays receveur”.
Ce n’est pas la première fois que le Premier ministre dénonce le “gaspillage” de l’aide internationale et les pressions des pays donateurs. Mais la charge prend ici une ampleur nouvelle en raison du contexte et de l’auditoire. Derrière ce discours lyrique à visée universaliste - il se conclut par un appel à une vie “en harmonie avec soi-même, son voisin, les autres êtres vivants, la nature et le cosmos” - certains ont néanmoins cru lire un discours de politique intérieure.
Sous couvert d’anonymat, un défenseur des droits de l’Homme estime que le Premier ministre cherche à déplacer la pression du gouvernement vers les donateurs en rejetant la responsabilité des problèmes du pays sur la prolifération des projets et des assistants : “Il y a certes quelques problèmes dans la coopération technique, mais la critique est un peu facile. Et le pire, c’est que ça marche : il commence à y avoir des Cambodgiens qui pensent qu’il y a trop d’étrangers”, s’inquiète-t-il.
Thun Saray, président d’Adhoc, voit lui aussi dans cette sortie une réponse du Premier ministre à des pays donateurs “de mieux en mieux coordonnés, plus solidaires et plus critiques” que par le passé. Sur le fond, Thun Saray reconnaît également qu’il y a trop peu de transfert de connaissances et beaucoup de “gaspillage” dans l’assistance internationale. “Mais le gouvernement a également une responsabilité. Car comment parler de gaspillage sans évoquer la corruption?”, fait-il remarquer.
S’agissant du bilan pour le moins flatteur que dresse le Premier ministre de son action à la tête du pays, Thun Saray regrette que cette “spectaculaire croissance économique” soit si mal redistribuée. “Il y a, d’après la Banque mondiale, 78% de Cambodgiens qui vivent avec moins de 2 dollars par jour, contre 73% au Laos. Sans être communiste ni même socialiste, on pourrait envisager un peu plus de justice sociale. On ne peut pas développer un pays en écartant 80% de sa population du progrès”.
Soren Seelow
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