Les solutions pour l’agriculture en débat
Du fait de la sécheresse, la récolte de riz en 2004
a baissé de 16% par rapport à l’année
précédente. Partant de ce constat, membres du parlement
et du gouvernement ont été invités hier à
l’Institut d’économie du Cambodge (IEC) pour
débattre du développement de l’agriculture.
Chea Samnang, chercheur à l’IEC, a plaidé pour
une réforme des systèmes d’irrigation afin de
faire passer la production à 10 millions de tonnes de riz
par an (contre 4 aujourd’hui), ce qui placerait le Cambodge
au 4e rang des exportateurs mondiaux, derrière la Thaïlande,
l’Inde et le Viêt-Nam et devant les Etats-Unis. Des
propositions dans le droit fil des objectifs gouvenementaux. Il
y a quelques semaines, le Premier ministre Hun Sen et le président
de l’Assemblée nationale le prince Rannariddh définissaient
en effet l’irrigation comme une priorité. Chea Samnang
a également défendu des réformes technologiques,
soutenu par San Vanty, directeur général adjoint du
ministère de l’Agriculture qui a évoqué
le développement de nouvelles variétés de riz.
“Nous n’avons pas encore atteint nos objectifs”
a concédé le responsable du ministère.
Du côté de l’opposition, le député
Ho Vann suggérait plutôt au gouvernement de sauvegarder
une des sources de rétention des pluies : la forêt.
“Mon plan d’urgence pour l’agriculture, c’est
préserver la forêt”, indiquait-il. Eng Chay Ieng,
lui aussi député de l’opposition, a préféré
recentrer les discussions sur la question foncière, argumentant
que développer l’irrigation n’avait aucun sens
si les paysans n’avaient pas de terres à cultiver.
D’après une enquête de l’IEC dans les provinces
de Takèo et Kompong Speu, les familles y possèdent
moins d’un hectare chacune à cultiver. Dans la commune
de Sing, presque toutes les 2 023 familles ont été
touchées par la sécheresse. Dans la commune de Por
Mor Real, 760 familles sur 1846 sont concernées. KS
Pénurie de riz dans 11 provinces
Onze provinces du royaume font face à une pénurie
de riz causée par la sécheresse qui a frappé
le pays cette année. En tout, il manquerait plus de 330 000
tonnes de riz pour satisfaire les besoins à Phnom Penh, Kompong
Speu, Kompong Cham, Kandal, Koh Kong, Kratié, Mondolkiri,
Ratanakiri, Kompong Som, Kep et Païlin. Selon le département
des statistiques du ministère de l’Agriculture, Phnom
Penh, où il manque 148 389 tonnes, et Kompong Speu (66 204
tonnes) arrivent en tête des provinces où le manque
de riz se fait le plus sentir.
A Kompong Speu, par exemple, près de 60 000 familles sont
touchées, parmi lesquelles 14 000 familles (72 500 personnes)
n’ont rien à manger du tout, explique Pen Sombo, directeur
provincial du Comité des catastrophes naturelles (CNCN).
C’est dans le district d’Oral que la famine menace le
plus, les familles de cinq districts n’ayant pu moissonner
qu’une centaine de kilos de riz. “La récolte
a été très mauvaise. Nous sommes en train de
solliciter une aide de première urgence auprès du
CNCN afin de venir en aide aux plus fragiles, les personnes âgées,
les veuves et les orphelins”, précise-t-il.
Pour Chuob Sithan, chef adjoint du département d’aide
d’urgence du CNCN, entre 10 et 15% des habitants de la province
de Kompong Speu manquent de riz, certains parvenant à vivre
au jour le jour en travaillant sur les rizières de leurs
voisins. “Mais je pense que ce chiffre augmentera d’ici
deux mois, après la récolte de la saison sèche”,
redoute-t-il.
Les stocks du ministère de l’Agriculture suffiront-ils
à subvenir aux besoins des populations menacées par
la famine? Selon Mme Meas Sopheavy, directrice du département
des statistiques du ministère, ces réserves s’élèvent
à 296 843 tonnes, soit un peu moins que les 330 000 tonnes
nécessaires. Elle aussi dit attendre les moissons de la deuxième
récolte. Mais il semble pour l’heure difficile de prédire
qu’elle sera l’impact de la sécheresse sur les
récoltes de la saison sèche. Selon le CNCN, au 10
janvier, seuls 59% des surface arables ont été mises
en culture. Pour le ministère, au 20 janvier, le chiffre
est subitement monté à 91%.
Hun Sen promet que son gouvernement sera “celui de l'irrigation”
“Ce gouvernement sera celui de l’irrigation.”
Ce week-end, lors de l’inauguration d’un réservoir
d’eau dans la province de Kandal, le Premier ministre Hun
Sen a ainsi souligné l’un des principaux chantiers
de son administration, alors que le pays vient de connaître
une nouvelle période de sécheresse. Quelques semaines
auparavant, le président de l’Assemblée nationale
avait également souhaité que le gouvernement concentre
ses efforts sur ce dossier afin que l’agriculture ne soit
plus complètement dépendante des précipitations.
Hun Sen a demandé au ministère des Ressources en
eau d’élaborer des projets de construction de systèmes
d’irrigation, en s’appuyant sur les moyens du gouvernement
ou en sollicitant l’assistance de la communauté internationale.
Aujourd’hui, les infrastructures existantes ne couvrent que
20 % des deux millions d’hectares de surfaces agricoles. “Notre
projet est d’irriguer 20 000 à 30 000 hectares par
an. Mais nous nous heurtons à des problèmes financiers”,
a indiqué hier Veng Sokhon, secrétaire d’Etat
au ministère des Ressources en eau.
Son ministère va discuter avec celui des Finances pour obtenir
une enveloppe spéciale afin de mener à bien ces projets.
“Nous pensons en obtenir une partie”, espère
le secrétaire d’Etat, sans donner de chiffres précis
sur le montant souhaité. Le gouvernement peut compter sur
l’aide internationale pour soutenir ses plans mais, juge Veng
Sokhon, “cela n’est pas pour demain car il faut conduire
des études sérieuses qui prennent du temps, entre
3 ans et 5 ans”. “Ce n’est pas aussi simple que
de construire des écoles ou des routes. Il faut d’abord
avoir une connaissance approfondie du régime hydraulique”,
note-t-il.
S’appuyant sur les chiffres du budget 2005, le député
d’opposition Kéo Rémy estime que les efforts
financiers accordés à l’irrigation par le gouvernement
sont “insuffisants”. Une enveloppe de 9 millions de
dollars, à laquelle s’ajoute un prêt de 18 millions
de dollars accordé par la Banque asiatique de développement,
a été réservée au développement
de l’irrigation dans quatre provinces, celles de Battambang,
de Banteay Meanchey, de Siem Reap et de Pursat. “Cela ne suffit
pas. Que va-t-on faire pour les autres provinces?”, s’interroge
le député d’opposition, accueillant cependant
favorablement les propos de Hun Sen en faveur de ce “gouvernement
de l’irrigation”.
Ky Soklim
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