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©CAMBODGE SOIR
Articles de presse

“DOSSIER SIDA”




Sida
Les antrirétrovirauxn un grand espoir à petite dose"Je conseille à votre amie le GPOvir, un antirétroviral fabriqué en Thaïlande qui coûte 45 dollars. Dites-moi quel est son poids que je puisse vous donner la boîte qui lui convient (jaune pour les moins de 60 kilos et violet pour les plus de 60 kilos). Je vous assure que le bébé qu'elle attend ne sera pas contaminé par le sida si elle commence le traitement dès maintenant." Comme cette pharmacie de Phnom Penh située près du Marché olympique, de nombreuses officines délivrent des antirétroviraux (ARV) comme
de simples boîtes d'Aspirine, sans requérir d'ordonnance ni même la présence de l'intéressé(e). En l'absence de réglementation, seule une poignée d'établissements exigent une prescription médicale. C'est le cas de la pharmacie Sophea. Les ARV s'y recommandent cependant en fonction des revenus. "Si vous en avez les moyens, prenez les marques françaises et américaines, sinon, contentez-vous des produits fabriqués au Cambodge", explique le vendeur. Autre pharmacie, autre politique : "De nombreux clients sont revenus me voir, mécontents après avoir essayé les nouveaux antirétroviraux cambodgiens. Ils font trop d'allergies. Je leur ai suggéré d'arrêter et de commencer un traitement thaïlandais". Quels que soient les conseils prodigués ici et là derrière les comptoirs, de plus en plus de clients semblent désormais, sans se cacher, se procurer directement des ARV.
"Déjà en 1997, les traitements antirétroviraux étaient disponibles dans certaines pharmacies de Phnom Penh", se souvient le Dr Véronique Bortolotti, du programme 'traitement du VIH/sida' de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les malades les plus fortunés se sont précipités sur ces médicaments, souvent avec le consentement de médecins et pharmaciens peu au fait de la grande rigueur requise par un tel traitement, prescrit de surcroît avec une mauvaise posologie. Les bénéfices réalisés sur une boîte d'ARV pour un mois, importée aujourd'hui au prix de 28 dollars et revendue en officine entre 40 et 100 dollars, ne sont pas négligeables, certains l'ont compris. Victimes d'un marché qui reste non régulé, "les séropositifs sont massacrés dans le secteur privé, utilisant jusqu'à une dizaine de molécules différentes, se ruinant et surtout développant des résistances aux traitements adéquats qui peuvent leur être présentés ensuite", résume Catherine Quillet, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) France, qui souligne que même des traitements dits de deuxième et troisième ligne, destinés à remédier à l' échec d'un précédent traitement, sont accessibles sans véritable ordonnance.
Sans formation adéquate, de trop nombreux médecins, constate Amine Dahmane, coordinateur du projet MSF Belgique à Takéo, ne savent souvent pas diagnostiquer les maladies opportunistes qui se développent chez le patient atteint du sida, qu'ils ont souvent peur de toucher. Entre anarchie et ignorance, la prise en charge des patients séropositifs, très lourde d'un point de vue de santé publique, se concentre entre les mains de quelques ONG. Leurs programmes, amenés à se développer et à être renforcés par d' autres ou confortés par le Fonds global*, ne couvrent pour l'heure qu'une infime partie des besoins, en attendant une implication massive des autorités dans le combat contre ce mal qui "touche chaque jour dans le royaume 20 nouvelles personnes, contre 100 nouveaux cas par jour il y a deux ans", d'après Heng Sokrithy, coordinateur de l'association CPN+ qui regroupe quelque 4 800 porteurs du virus d'immunodéficience humaine (VIH).

 

Radioscopie de l'apport humanitaire en ARV

Seuls quelque 1 600 des 170 000 séropositifs du pays ont, par le biais d'une demi-douzaine d'ONG, actuellement accès à des antirétroviraux au Cambodge, où la prévalence du VIH/sida de 2,6% dans la population adulte est la plus élevée d'Asie. Militant pour les droits des séropositifs, Heng Sokrithy évalue à "au moins 22 000 le nombre de personnes nécessitant en urgence des ARV" dans le royaume, seuls 6% des besoins étant actuellement couverts, tous programmes confondus. S'il est encore très faible, le chiffre de bénéficiaires actuels traduit cependant une augmentation de 300% en un an, seulement quelque 500 personnes bénéficiant d'ARV en décembre 2002.
L'OMS a lancé son programme 3x5, visant à atteindre l'objectif de 3 millions de personnes bénéficiant d'ARV dans le monde d'ici fin 2005, soit la moitié des besoins urgents. Au Cambodge, d'après les projections revues à la baisse, cet objectif devrait être rempli à 50% avec quelque 6 500 personnes devant bénéficier d'ARV d'ici fin 2005.
A l'hôpital Sihanouk de Phnom Penh,dit "hôpital russe", MSF France est à la tête du plus important programme de traitement antirétroviral du pays - démarré en juin 2001 - avec quelque 970 patients adultes, chiffre amené à s'élever à plus de 1 000 à la fin de cette année. Trente-six enfants contaminés ont en outre été placés sous ARV. "Nous privilégions une politique familiale afin d'éviter le partage des médicaments entre parents et enfants infectés qui se produirait si les enfants étaient tenus à l'écart du traitement", explique Catherine Quillet. En mai dernier, l'ONG a ouvert un programme équivalent à Kompong Cham, qui compte près de 100 personnes
sous ARV.
MSF Belgique dénombre plus de 300 personnes sous ARV sur l'ensemble de ses trois programmes, démarrés pour les deux premiers en 2002, dont 220 se concentrent dans la seule ville de Siem Reap, les autres étant répartis entre Soth Nikum, dans la même province, et, depuis mars dernier, la ville de Takéo. L'ONG compte subvenir aux besoins d'au moins 1000 malades d'ici à la fin 2004. Son responsable Richard Veerman constate que les séropositifs tendent à se présenter désormais à un stade moins avancé de la maladie, et ne nécessitent donc pas une mise sous ARV immédiate.
L'ONG Médecins du monde, installée à l'hôpital Calmette, compte pour sa part 150 patients sous ARV, avec l'objectif sur les deux prochaines années d inclure 300 nouveaux bénéficiaires grâce à l'aide du Fonds global.
Pierre-Régis Martin, le responsable du programme sida, annonce par ailleurs l'ouverture d'un centre de consultation à l'hôpital Kossamak en mai-juin prochains. L'ONG Center of Hope, à Phnom Penh, espère passer de 85 aujourd'hui à presque 400 patients sous ARV d'ici à 2005.

 

prévenir ou prendre en charge les malades?

Dans le rapport publié par le ministère de la Santé en septembre dernier sur la répartition des fonds pour le VIH/sida dans le secteur de la santé en 2003, la prévention occupe 53% des allocations contre seulement 28% pour la prise en charge des malades. Ainsi, le NCHADS du ministère de la Santé et les ONG subventionnées par Usaid, l'agence de coopération américaine, consacrent à la prévention l'essentiel de leur budget, qui représente 22% des fonds dévolus à la lutte contre le sida pour le premier, et 42% pour le second. Seules les autres ONG, qui contribuent à hauteur de 22% de ce total, mettent l'accent sur les traitements curatifs.
"Beaucoup d'argent est disponible pour le sida, mais peu pour le traitement des séropositifs", regrette Catherine Quillet de MSF France. Elle juge, comme d'autres confrères, que les campagnes de prévention primaire (préservatif à 100%, actions auprès des policiers, etc.) ont atteint leurs limites avec l'usure d'une part des messages éducatifs et d'autre part la conjoncture qui favorise le développement d'un tourisme sexuel dans lequel les droits des victimes n'ont pas voix au chapitre. De plus, la prévention ne doit pas se cantonner au stade primaire. "Il s'agit donc de s'adresser aux porteurs du virus, martèle la chef de mission de MSF France. Un mari n'a aucune envie de contaminer sa femme!" Même discours chez son homologue de MSF Belgique : "On associe trop souvent le port du préservatif à la seule maison de passe, en l'oubliant dans la relation avec son (sa) petit(e) ami(e)".

 

Des importations centralisées

Le décalage entre prévention et traitement devrait être amené à se réduire avec le développement des programmes humanitaires axés sur cette dernière priorité. Au ministère de la Santé, Ly Penh Sun du NCHADS, cite au rang des programmes prévus l'an prochain grâce aux 16,6 millions de dollars du Fonds global, l'exemple de la Croix-rouge française à Sihanoukville. Pharmaciens sans frontières (PSF) ouvrira de son côté une centrale de distribution d'ARV à Phnom Penh dès le début 2004 gérée conjointement avec Center of hope.
"Nous procéderons à l'accréditation avec le NCHADS d'un certain nombre de médecins. Ceux-là auront droit de prescrire à leurs patients des ARV à la centrale de PSF qui leur seront vendus au prix coûtant. Nous fournirons aussi d'autres ONG choisies pour leur capacité à prescrire et à suivre les malades. Enfin, nous voulons mettre en place un fonds social à destination des indigents qui nous auront été adressés par Center of Hope ou une autre ONG accréditée", annonce Alexis de Suremain de PSF, pour qui il est important de "casser le marché des charlatans qui prescrivent à la légère, et sans suivi". PSF projette d'ici à cinq ans de fournir des ARV à 3 000 malades, qui devront être munis de prescriptions accréditées pour y avoir accès.
Le Dr Or Vandine, responsable de la cellule du ministère de la Santé chargée de recevoir et répartir l'aide du Fonds global, rappelle que les commandes d'antirétroviraux sont regroupées au niveau national et doivent nécessairement transiter par le gouvernement, le versement de la deuxième tranche, accordée le 14 octobre, étant prévue pour janvier. "La première commande a été passée. Nous attendons des médicaments pour janvier ou février", précise-t-elle. PSF demeure dans l'incertitude du coût des antirétroviraux qu'elle vendra car elle n'a pas eu à ce jour connaissance des médicaments que le ministère de la Santé importera. "Nous ignorons si la trithérapie thaïlandaise GPOvir, très prisée par les ONG soignant les malades du sida, sera retenue car ce produit n'a pas encore été agréé par l'OMS", s'interroge Alexis de Suremain, qui aurait souhaité travailler directement avec les laboratoires pharmaceutiques.
Parallèlement aux projets entrepris par le Fonds global, les initiatives ne manquent pas du côté du ministère, affirme Ly Penh Sun. En collaboration avec l'université australienne de New South Wales (UNSW) et la compagnie pharmaceutique suisse Roche, le NCHADS doit ainsi ouvrir un centre pour malades du sida à Phnom Penh, et un autre en province. Tout un éventail de soins y sera proposé, du conseil à la délivrance d'ARV, en passant par la prophylaxie et la surveillance épidémiologique. Deux centres qui en 18 mois pourront traiter quelque 700 patients.
Un autre projet d'aide aux malades du sida, de trois ans, doit être mis en place l'an prochain, avec l'Union européenne et l'Institut de médecine tropicale d'Anvers (Belgique), "dans trois districts opérationnels de deux provinces", souligne Ly Penh Sun. De plus, ajoute-t-il, "les 'soins en
continu' apportés aux séropositifs seront étendus dans 13 districts opérationnels de sept provinces jusqu'à ce que l'accès aux ARV y soit aussi proposé".
Les autorités sanitaires, décidées à ne pas négliger le traitement des malades du sida, rendront publiques les premières directives sur les
antirétroviraux en décembre. Enfin, un programme national de formation aux spécificités du VIH/sida sera également lancé l'an prochain à l'attention du personnel médical et paramédical.
"A l'heure actuelle, la plupart des séropositifs meurent de façon prématurée des maladies opportunistes qui les assaillent car ils n'ont pas accès au diagnostic et au traitement", déplore Catherine Quillet. En maintenant le plus longtemps possible le système immunitaire des patients et en traitant régulièrement leurs petites infections, on allonge leur durée de vie. "L'accès aux antirétroviraux ne constitue ainsi qu'une partie de la prise en charge, et n'intervient qu'en fin de chaîne", rappelle la responsable. Un séropositif peut ainsi mettre des années avant de développer le sida et de nécessiter des ARV s'il est correctement suivi.

 

une ombre sur l'accès aux génériques?

Les ONG semblent privilégier les antirétroviraux provenant de Thaïlande, et ensuite ceux fabriqués en Inde, pour un coût moyen mensuel légèrement inférieur à 30 dollars, auquel s'ajoute celui des tests sanguins, réguliers.
Certaines compagnies européennes et américaines, comme Merck, qui possède un bureau en Thaïlande, peuvent vendre à un prix "humanitaire" aux ONG. Mais en cas d'échec d'un traitement de première ligne, le prix des traitements de deuxième et troisième ligne peut s'élever à plus de 150 dollars. L'attention est portée vers les traitements en première ligne, dont le prix devrait tomber à 140 dollars par an, d'ici un an.
Le GPOvir de la compagnie pharmaceutique GPO, vendu sous l'autorité du gouvernement thaïlandais, est très demandé, d'autant plus que les délais de livraison sont généralement bien respectés. Cependant, une ombre plane sur l'accès aux génériques produits par le royaume voisin. Les négociations en cours d'un accord bilatéral de libre-échange entre la Thaïlande et les Etats-Unis pourraient conduire à une limitation de la capacité des Thaïlandais à produire et exporter des versions génériques de médicaments à bas prix, dénonce Sea-aids, un Forum régional sur le VIH/sida en Asie et dans le Pacifique, qui rappelle que "seuls 5% des 5,6 millions de personnes vivant avec le VIH/sida en Asie du Sud et du Sud-Est ont accès à un traitement".
Depuis le 13 août, après autorisation du ministère de la Santé, la Cambodian pharmaceutical enterprise (CPE) a mis sur le marché les premiers
antirétroviraux fabriqués dans le royaume, dont "les ventes, d'après son directeur adjoint Huot Sarim, augmentent jour après jour". La compagnie ne les commercialise (entre 27 et 35 dollars) que via un nombre choisi de pharmacies et grâce au ministère de la Santé qui en achète. Pour l'heure, la CPE fabrique seulement deux des trois types de molécules indispensables pour constituer une trithérapie, mais la direction promet la fabrication de la troisième molécule d'ici à juin 2004. Pour donner davantage de crédit à ses nouveaux produits, la CPE a déposé une demande d'évaluation de ses ARV auprès de l'OMS. Cette procédure d'agrément peut être longue - l'OMS n'a encore ainsi, à ce jour, reconnu aucune combinaison de molécules. En attendant, un grand nombre d'ONG se disent favorables à l'utilisation d'ARV produits localement si la fiabilité suit. Si toutefois une telle initiative ne se trouve pas compromise à moyen terme par les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) auxquels le Cambodge a souscrit en septembre...


Texte et photos :
Stéphanie Gée* Le Fonds "global", dont le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a appelé à la création en 2001, est une institution indépendante, bien que largement soutenue par les Nations unies, visant à acheminer des ressources supplémentaires dans la lutte de trois fléaux : le paludisme, la tuberculose et le sida. Avalisée par le G8, elle fait appel aux bailleurs de fonds pour financer de tels projets. (www.theglobalfund.org/fr)

 


Les enfants du sida

A quelques signes près, il est difficile de deviner que ces enfants vivent sous antirétroviraux. Ils braillent, rient et mangent avec gloutonnerie comme n'importe quels autres enfants. Jeudi dernier, l'ONG Maryknoll, qui se charge d'eux, leur a offert une petite fête. Parmi eux, le petit Rattana, quatre ans dont déjà un passé à prendre chaque jour des antirétroviraux. Il était si affaibli que ses parents l'ont abandonné chez une cousine, qui l'a depuis adopté. Chantha, vendeuse de lait de soja de 43 ans, a passé du temps et de ses économies pour déceler le mal qui rongeait le petit Rattana. "Je l'ai montré partout, dans différents hôpitaux, à diverses ONG, personne ne m'expliquait, on me renvoyait ailleurs. En fait, on n'osait pas m'annoncer qu'il avait le sida de peur que je l'abandonne. Je l'ai découvert en l'emmenant à un centre de dépistage. J'ai eu du mal à le croire au début. J'ai frappé à de nombreuses portes, en vain. Puis, j'ai connu Maryknoll. Depuis qu'il prend des antirétroviraux, Rattana n'est plus l'enfant mourant que j'ai connu." La mère adoptive se dit pleine d'espoir, à condition que "papa Jean", le responsable du programme, reste là encore longtemps...
Il y a trois ans, Maryknoll lançait un programme de soins aux enfants contaminés par le sida, et en juin 2002 l'ONG mettait son premier enfant
sous ARV. Aujourd'hui, ils sont 120, parmi lesquels une majorité d'orphelins, à en bénéficier, grâce à des dons privés que travaille à rassembler Jean Tucker, le directeur du programme. Pour assurer le suivi des petits malades sous traitement, Maryknoll a mis en place une thérapie contrôlée au jour le jour, s'assurant que l'enfant reçoit ses deux doses quotidiennes. "Après avoir frôlé la mort, les enfants reprennent du poids puis le chemin de l'école. Leurs proches en sont éberlués!", s'exclame celui que tout le monde appelle "papa Jean". Mais l'extension du programme est limitée à terme par la quantité des fonds recueillis. Les Missionnaires de la charité subviennent quant à eux aux besoins en antirétroviraux d'une vingtaine d'enfants.
La plupart des petits patients ont été contaminés à la naissance. Le virus progresse lentement, et ce n'est qu'à l'âge de 4 ou 5 ans qu'ils commencent à développer la maladie. D'après les derniers chiffres communiqués par le Centre national pour le VIH /sida, la dermatologie et les maladies sexuellement transmissibles (NCHADS), plus de 25% des nouvelles contaminations se font de la mère à l'enfant. La transmission verticale du virus peut s'opérer de trois façons : pendant le dernier trimestre de la grossesse, durant l'accouchement, ou pendant l'allaitement. "S'il est vrai que de nombreuses femmes accouchent encore en dehors des structures médicales, pointe Catherine Quillet de MSF France, le traitement préventif à la mère pendant l'accouchement, facile à mettre en place, devrait devenir une priorité." "Une mère séropositive, pas encore trop avancée dans la maladie, peut prendre, pendant le travail, une molécule de Nevirapine qui prévient la transmission au moment de l'accouchement, et le nouveau-né reçoit une cuillère de sirop à son troisième jour. Le taux de réussite est de 95% et pour un coût inférieur à 2000 riels", assure Jean Tucker. Quant à la transmission postnatale, la mère devra remplacer son lait maternel, ajoute le responsable de Maryknoll, qui a fait profiter à 50 bébés du traitement préventif. SG

 

Instruire avant de prescrireLa chaleur de l'après-midi a cloué les patients sur les bancs de la salle d' attente de l'hôpital de Takéo, service des maladies chroniques. Un programme sur 5 ans lancé par MSF Belgique le 24 mars dernier dans ce qui est considéré être un des meilleurs hôpitaux du pays. Ici, on mélange les malades pour ne pas stigmatiser les porteurs du virus. Déjà que les patients tuberculeux même les plus atteints refusent de partager avec eux leur dortoir... Chhien, 34 ans et séropositive, attend son tour, silencieuse.
Elle est arrivée seule, ce matin, de Kampot, après près de trois heures d' une mauvaise route parcourue à moto. Elle compte s'en retourner le soir
même. Un aller et retour qui lui sera facturé par son conducteur 5 dollars.
"J'ai entendu parler d'ici par mes voisins; ils travaillent dans le secteur de la santé." On vient de plus en plus en loin pour être consulté et suivi à
Takéo. Qu'est-ce qui l'a poussée à venir au centre de dépistage le 24 octobre? Imperturbable, Chien renvoie encore à ses mêmes voisins, ceux-là qui "qui connaissent le service" géré par l'ONG. Sans doute, une perte conséquente de poids l'aura alertée, perçue par la majorité comme l'
indicateur probable d'une séropositivité.
On vient la chercher. C'est le médecin barang qui la reçoit, Amine Dahmane, coordinateur de ce troisième projet de MSF Belgique. Depuis qu'elle se sait contaminée, c'est sa deuxième visite. Après avoir digéré le choc de l'annonce de sa maladie, elle a été rappelée le 11 novembre, pour les formalités. Prélèvement sanguin pour mesurer son taux de lymphocytes CD4 envoyé à l'institut Pasteur de Phnom Penh, dossier à remplir, avec moult détails à consigner, et informations sur le sida et les antirétroviraux. C'est le rôle de l'infirmière de tout leur expliquer, avec le plus de simplicité possible, ce qu'ils ont, ce qui les attend. Le Dr Dahmane lit le dossier de Chhien, la consultation commence. Mi-médecin mi-professeur, il teste les connaissances de la patiente. Il interroge, insistant, veut entendre la bonne réponse, sinon, il la renvoie vers l'infirmière pour une énième leçon sur le VIH/sida. Bien sagement assise, attentive, Chhien veut réussir son oral. Mais très vite, après quelques hésitations, elle avoue au médecin qu'elle n'a "rien compris aux explications de l'infirmière". Il la rassure, et revient aussitôt à la charge : "Il est important que vous compreniez, n'hésitez pas à poser des questions et à le dire quand vous ne comprenez pas". Les patients souffrent souvent de l'isolement, de l' analphabétisme, ou encore de croyances populaires, ce qui rend plus ardue la tâche d'information, essentielle selon le Dr Dahmane.
Chhien se plaint d'une mauvaise toux et de fièvre. "Si tout va bien, dans six semaines, elle peut être mise sous antirétroviraux. Mais j'ai des
doutes, elle semble avoir une infection bactérienne, peut-être un début de tuberculose?", diagnostique le médecin, qui envoie la patiente effectuer une radiologie des poumons. La moitié des séropositifs au Cambodge souffrent de tuberculose, qu'il faut commencer à soigner avant de les mettre sous ARV.
Entre-temps, défilent une diabétique en mal de sucres, un séropositif dont le début du traitement prévu ce jour-là doit être reporté en raison d'une forte fièvre, une autre diabétique qui se plaint de problèmes d'estomac,avant de préciser avec ingénuité que ces maux remontent à il y a deux mois.
Puis Chhien revient, avec sa radio sous le bras. Des taches s'y distinguent, signe d'une infection. Un examen de crachat en dira plus long sur la nature.
Le docteur l'examine, ça crépite dans le stéthoscope. Elle est mise sous antibiotiques Selon la gravité, c'est autant de semaines supplémentaires à patienter avant d'accéder aux ARV. Dans la province, on estime à 8 000 le nombre de porteurs du VIH, dont 1 000 à 2 000 ont un besoin d'
antirétroviraux. Et à ce jour seul MSF Belgique en fournit, à 64 des 280 patients séropositifs qu'elle prend en charge.
Quand Chhien en sera au stade des ARV, c'est-à-dire à sa sixième visite, si sa nouvelle infection ne se révèle pas être une tuberculose, le contrôle des connaissances sera plus sévère. "Les gens ignorent trop souvent combien difficile est le traitement, à vie et demandant beaucoup de rigeur. C'est pourquoi nous travaillons beaucoup sur la communication. Pour qu'ils n'interrompent pas soudainement le traitement à l'apparition des effets secondaires, très gênants les premières semaines, ou au contraire dès que les bénéfices du traitement se font sentir", martèle-t-on à MSF Belgique.
"Oublier plus de trois fois par mois une pilule, et c'est le virus qui devient résistant, et le traitement qui tombe à l'eau", rappelle le Dr Dahmane. SG

Santé

Au Cambodge, comme dans le monde entier, le sida frappe de plus en plus les femmes

Parmi les 170 000* adultes infectés par le VIH dans le royaume, 51 000 sont des femmes, une proportion croissante ces dernières années. La tendance, confirmée à l’échelle mondiale, constitue une des principales inquiétudes mises en avant dans le dernier rapport de l’Onusida, publié mardi à l’approche de la Journée mondiale sida commémorée le 1er décembre. A travers le monde, les femmes représentent près de la moitié des 37,2 millions d’adultes vivant avec le virus.

Les femmes, rappelle l’Onusida, sont, sur le plan physique, plus sensibles que les hommes à l’infection par le VIH. Les risques de transmission d’un homme à une femme au cours de rapports sexuels sont deux fois supérieurs à ceux encourus par un homme. De plus, dans nombre de pays en voie de développement comme le Cambodge, le contexte social rend les femmes encore plus vulnérables face au sida. “Ce qu’on appelle l’ABC de la prévention (abstinence, fidélité et utilisation du préservatif) est insuffisant. Des stratégies pour s’attaquer aux inégalités entre les sexes sont urgentes si nous voulons avoir une réelle chance d’inverser le cours de l’épidémie, insiste le Dr Peter Piot, directeur exécutif de l’Onusida. Une action concrète est indispensable pour prévenir la violence à l’égard des femmes.”

A l’instar de l’ensemble de l’Asie, la majorité des nouvelles infections au Cambodge est due à l’achat de relations sexuelles par des hommes qui, par la suite, risquent de contaminer leur épouse. Reste que, selon le rapport de l’Onusida, “au Cambodge, moins nombreux sont aujourd’hui les hommes qui fréquentent les professionnelles du sexe”. Une étude conduite l’an dernier à Phnom Penh et portant sur les hommes âgés de 15 à 24 ans a établi que 8% d’entre eux avaient déjà fréquenté une prostituée. Sans que cela soit directement comparable, une enquête menée trois ans plus tôt auprès de l’ensemble de la population masculine de la capitale était parvenue à une proportion de 19%. Les efforts de prévention ont par ailleurs permis d’étendre l’utilisation du préservatif dans le “commerce du sexe”. De récentes recherches ont montré que les hommes de moins de 20 ans sont neuf fois plus enclins que leurs aînés à se protéger.

L’Onusida se dit en tout cas optimiste au regard des résultats obtenus au Cambodge et cite la politique de prévention mise en œuvre dans le royaume comme un exemple à suivre pour les autres pays asiatiques. Mais la prévention ne représente pas la seule clé du problème. Avec 8,2 millions de séropositifs dans la région, la question de la prise en charge va se poser avec acuité. Et même si beaucoup de pays ont promis d’accroître l’accès aux traitements antirétroviraux, peu, déplore l’Onusida, ont jusqu’à maintenant relevé le défi. CS

* Dernières estimations établies cette année par l’Onusida et l’Organisation mondiale de la santé. Une moyenne a été retenue pour chacun des indicateurs mais les estimations minimales et maximales sont également présentées entre crochets.

Nombre de personnes vivant avec le VIH/sida à la fin 2003

Population totale : 170 000 [100 000 / 290 000]

Adultes (15-49 ans) : 170 000 [99 000 / 280 000]

Enfants (0-15 ans) : 7 300 [3 800 / 14 000]

Femmes (15-49 ans) : 51 000 [31 000 / 86 000]

Nombre de morts dues au sida en 2003 : 15 000 [9 100 / 25 000]

 

1 000 m2 à l’hôpital Kossamak pour les consultations sida

Un bâtiment de 1 000 m2, ouvert à des consultations externes pour les séropositifs et malades du sida, a été inauguré vendredi dans l’enceinte de l’hôpital Preah Kossamak. L’édifice, financé à hauteur de 162 000 dollars par le gouvernement japonais, a été construit par Médecins du monde qui a, récemment, transféré son quartier général de l’hôpital Calmette vers cet établissement également connu sous le nom d’hôpital des bonzes.

Le ministre de la Santé Nuth Sokhom a rappelé que le taux de contamination dans la tranche d’âge des 15-49 ans était en recul depuis 1997 (3,3% à cette date contre 2,1% en 2003). Mais, a-t-il aussitôt mis en garde, certaines catégories de la population (migrants, ouvriers, toxicomanes…) sont de plus en plus exposées. A la fin 2004, 6 000 séropositifs auront bénéficié d’un traitement antirétroviral, chiffre qui devrait s’élever à 10 000 l’an prochain.

“Nous ne devons pas oublier qu’il reste 157 500 personnes infectées à travers le pays, a souligné pour sa part Takahashi Fumiaki, ambassadeur du Japon. De plus, les rapports nous montrent une hausse des infections chez les femmes et que les maris sont à l’origine de 42% des nouvelles infections.”

Médecins du monde, à qui la gestion de ce nouveau bâtiment est confiée, n’est pas un nouveau venu dans la prise en charge des malades du sida. Le Dr Pierre-Régis Martin, son directeur, a rappelé que de 1995 à 2004, 30 000 consultations avaient été données dans le centre VIH de l’hôpital Calmette. De 1998 à 2002, l’ONG française a parallèlement ouvert trois antennes pour traiter les MST : une à l’hôpital Monivong de la police, une à l’hôpital militaire Preah Ket Mealea et une à destination des prostituées en coopération avec l’ONG Médecine Espoir Cambodge. “Ces trois centres ont comptabilisé 24 000 consultations sur 4 ans”, a précisé Pierre-Régis Martin. UCh




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Ensemble pour Sre Ambel