Baccalauréat
“J’ai dépensé 20$ pour qu’on la
laisse tricher et cela pour rien!”
“As-tu bien eu les petits papiers avec les réponses
que je t’ai fait parvenir par un policier?”, s’enquiert,
devant le lycée de Toul Toumpong, une mère inquiète
auprès de sa lycéenne de fille qui passait, ce week-end,
le baccalauréat. Sa fille sort de sa poche les précieux
documents en guise de réponse, et s’exclame : “Mais
ces réponses ne correspondaient pas aux questions! Ce n’est
pas grave, les surveillants nous ont autorisé à tricher
après nous être tous cotisés pour eux.”
Avec les traditionnelles épreu-ves de fin de terminale reviennent
les tout aussi traditionnelles mille et une fraudes pratiquées
par les candidats, que, pour certains, l’eau lustrale et la
bénédiction de leur trousse à crayons n’aura
pas suffi à rassurer.
Pho* confie à la sortie de l’examen avoir déboursé
4 000 riels afin de pouvoir consulter les résultats en littérature.
Ratha, elle, est en rage. Les professeurs l’ont surveillée
de près, et elle n’a pu que difficilement jeter un
coup d’œil aux antisèches qu’elle avait
pris soin de cacher dans son petit sac à main. Udom est encore
plus déçu, ses aide-mémoire ont été
tout simplement confisqués à son arrivée. “Pourtant,
se plaint-il, j’avais remis près de 5 000 riels aux
surveillants mais ils n’ont pas fait de distinction et ont
ramassé tous les brouillons qu’ils trouvaient sur les
élèves!” Du coup, se lamente-t-il, il ne croit
plus réussir à décrocher son bac car il a dû
laisser trop de blancs dans ses copies.
Heng, du lycée Bak Tuk, a pu conserver ses feuilles de pompe
sur lui : dans ses poches, et, pour les plus indispensables, dans
son slip. Cependant, il peste contre la différence de traitement
entre filles et garçons. “Elles sont avantagées
car les surveillants n’osent pas toutes les contrôler.
Elles sont ainsi nombreuses à avoir dissimulé des
papiers dans les poches de leurs jupes ou dans leurs soutien-gorge,
j’ai bien vu!”
A l’établissement de Santhor Mouk, certains élèves
avaient pris une taille supplémentaire de vêtements
tant ils s’étaient entouré le corps d’antisèches,
un détail imperceptible pour des surveillants conciliants.
D’autres avaient choisi d’arriver en retard, prétextant
l’éloignement de leur domicile, et en groupe afin,
dans la précipitation, de ne pas être tous inspectés.
Devant le lycée Bœung Trabek, une mère d’élève
arrosait copieusement d’insultes policiers et surveillants
qui avaient osé s’emparer des aide-mémoire de
sa fille. “J’ai déjà dépensé
20 dollars pour qu’on la laisse tricher librement, et cela
pour rien!”, fulminait-elle. Là, aucun candidat n’a
été autorisé à sortir pendant la pause,
comme c’est le cas dans d’autres établissements.
Pourtant, à la sortie, certains rapportaient que, dans leur
classe, les surveillants leur avaient proposé pour 100 dollars
un service complet : autorisation de tricher, de discuter avec ses
voisins et mise en garde à l’approche d’un contrôleur
en chef ou du responsable du centre.
Kong Kosal, un policier en poste à Santhor Mouk, assurait,
lui, que, cette année, le personnel d’encadrement avait
redoublé de vigilance, tant à l’intérieur
des classes qu’à l’extérieur, et que les
envois de réponses aux élèves par la fenêtre
avaient été bannis.
Ung Chamrœun
*Les prénoms ont été modifiés
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