Economie
Des réformes ou la crise,
met en garde la Banque mondiale
La Banque mondiale (BM) a présenté hier son dernier
rapport intitulé
Le Cambodge à la croisée des chemins. L’institution
y appelle
le gouvernement et les donateurs, qui se réuniront la semaine
prochaine pour fixer le montant de l’aide accordée
au royaume, à œuvrer ensemble pour lancer de profondes
réformes structurelles. “Une prolongation de la situation
actuelle n’est pas une alternative, prévient l’institution.
Au mieux cela accroîtra la pauvreté, au pire cela
pourrait signifier
un retour vers un état autoritaire et enclin au conflit”.
Pendant la décennie qui a suivi les élections de
1993, le Cambodge a bénéficié d’un taux
de croissance moyen de 6-7%, porté par l’explosion
des exportations des produits de la confection, l’essor du
tourisme et une aide massive de la communauté internationale.
Cette relative stabilité macro-économique a permis
aux gouvernements successifs de rétablir la paix dans le
pays, d’assurer l’organisation d’élections
libres, d’intégrer le royaume dans l’environnement
régional (Asean) et mondial (OMC) et à la société
civile de se développer. Mais ces dix ans de forte croissance
n’ont que peu profité à la population, rappelle
la BM, le taux de pauvreté stagnant toujours autour de 40%,
tandis que les taux de mortalité infantile et maternelle
demeurent trois fois supérieurs à ceux de l’Asie
de l’Est.
Un bilan social inquiétant au moment où la BM prévoit
un effondrement à 2% du taux de croissance pour l’an
prochain, et n’envisage pas un retour à 6% avant 2009.
Pour les experts de la BM, force est de constater que les réformes
structurelles qui auraient permis de bâtir une croissance
durable non dépendante de facteurs exogènes n’ont
pas été initiées. Les trois piliers de l’économie
cambodgienne - l’aide internationale, qui pèse pour
12% du PIB, le tourisme et la confection textile - sont en effet
intimement dépendants des investissements étrangers.
Le royaume, estime la BM, se trouve aujourd’hui dans l’obligation
de diversifier les moteurs de sa croissance s’il veut affronter
la concurrence internationale et s’engager dans une véritable
politique de lutte contre la pauvreté.
Les réformes structurelles
Afin de créer un climat propice aux investissements, la
Banque mondiale appelle le gouvernement à donner corps à
la séparation des pouvoirs prévue par la Constitution
à travers deux réformes structurelles : le renforcement
du rôle de l’Assemblée nationale et l’indépendance
de la justice. Avec la réforme de l’administration,
ces mesures sont perçues comme des préalables sans
lesquels toutes les réformes à venir resteront lettres
mortes. Avec seulement 195 juges - dont seuls un sixième
sont diplômés en droit - contre 400 à 600 avant
1975, le système judiciaire est encore largement incapable
de susciter la confiance, tant au sein de la population que des
investisseurs. La BM estime ainsi que la réforme judiciaire
devrait commencer par le haut, à savoir la Cour suprême
et la Cour d’appel, et par la modernisation des codes de procédure
civile et pénale.
Les finances publiques
Le montant total des recettes du gouvernement s’est monté
cette année à 9% du PIB, a annoncé en marge
de la conférence le ministre de l’Economie Keat Chhon,
loin derrière les 15% du Laos et les 16% de moyenne des pays
voisins à faibles rentrées fiscales. Facteurs de stabilité
macro-économique et moteurs de la croissance, les performances
fiscales devront être améliorées rapidement,
alors que le remboursement de la dette extérieure du pays
commencera à peser dès l’an prochain sur le
budget (22,5 millions de dollars, à comparer avec les 750
000 dollars du budget du nouveau ministère de l’Emploi).
Keat Chhon a annoncé que son ministère visait une
augmentation de 20% des rentrées fiscales dès l’an
prochain, pour les porter à 12% du PIB, à travers
la réforme des douanes et de la direction des impôts.
Le problème, a-t-il fait valoir, est que les grandes entreprises
ne paient pas leurs impôts. Les entrepreneurs, par la voix
de Van Sou Ieng, président du GMAC, dénoncent de leur
côté les pots-de-vin dont ils doivent s’acquitter
à chaque visite d’un agent de la fonction publique.
82% des entreprises interrogées par la BM déclarent
ainsi être victimes de la corruption. Ces pots-de-vin représenteraient
5% de leur chiffre d’affaires, soit le double de ce qui a
été observé au Bangladesh, au Pakistan ou en
Chine.
Les ressources naturelles
Le Cambodge est l’un des pays disposant des plus importantes
ressources naturelles d’Asie de l’Est. Ses eaux sont
les plus généreuses en poissons de la région,
avec quelque 60 kg par tête et par an, et le pays se place
au second rang en matière de surfaces arables et forestières
par habitant. Cette richesse naturelle, qui aurait dû permettre
aux 85% de la population habitant en zone rurale de vivre décemment,
plonge au contraire le royaume en plein paradoxe. Les pays en période
d’après-guerre disposant de maigres ressources naturelles
se développent en effet généralement plus vite
que ceux qui jouissent d’une nature généreuse,
explique l’un des auteurs du rapport de la Banque mondiale
: “Comme si les ressources naturelles se substituaient au
besoin d’entreprendre des réformes”.
La BM conclut à l’échec du système des
concessions, jugé “opaque” et inéquitable.
Les sans-terre représenteraient aujourd’hui entre 12
et 15% des paysans, tandis que la taille moyenne des exploitations
agricoles serait en déclin. Elle exhorte le gouvernement
à régler le problème des litiges fonciers à
travers le renforcement de l’arsenal législatif et
à développer une approche communautaire dans la gestion
des ressources naturelles. Le rapport regrette également
que seuls 8% de l’aide internationale ont été
dirigés vers les secteurs agricoles et forestiers.
L’aide internationale
Malheureusement, note la BM, les partenaires du Cambodge, aussi
désireux soient-ils de faire partie de la solution, “font
peut-être aussi partie du problème”. Entre 1999
et 2003, près de 50% de l’aide a été
absorbée par la coopération technique (salaires, rapports...),
et “les donateurs doivent s’assurer que leur assistance
contribue à construire les capacités du Cambodge au
lieu de s’y substituer”. La BM suggère aux donateurs
d’harmoniser leurs politiques entre elles et avec le programme
du gouvernement, et espère que le Plan d’harmonisation
d’action qui sera étudié lors du prochain Groupe
consultatif (GC) constituera un premier pas dans cette voie. Sos
et KyS
Economie
Très sombres prévisions de la Banque mondiale pour
2005
Un taux de croissance en chute libre, les exportations du secteur
de la confection en baisse de 12% par rapport à 2004, un
taux de chômage de 15%, une croissance ralentie dans les services
et la construction... les prévisions économiques de
la Banque mondiale (BM) pour l’année 2005 au Cambodge
ne sont guère encourageantes. Seul le secteur du tourisme,
avec une croissance attendue de 15%, semble en mesure de compenser
ce ralentissement amorcé depuis plusieurs années,
estime l’institution financière dans son rapport bisannuel
rendu public hier.
Depuis le record historique de 1999 (10,8%), le taux de croissance
du royaume n’a cessé de s’infléchir au
fil des ans pour tomber à 4,3% cette année (résultats
préliminaires), et à 2,4% l’an prochain selon
les prévisions de la BM. Si ce chiffre devait se confirmer,
le Cambodge se rangerait en queue de peloton des pays de la région
Asie de l’Est-Pacifique, avec la Papouasie Nouvelle-Guinée,
les îles Tonga et le Japon. Un taux de croissance étonnamment
faible pour un pays en voie de développement, à comparer
avec les 7% prévus au Laos, les 6% attendus en Mongolie ou
les 5,4% de l’Indonésie.
La Banque mondiale cite comme principale cause de ce ralentissement
l’expiration de l’accord multi-fibre début 2005,
qui portait jusque-là à bout de bras le secteur de
la confection, premier employeur (270 000 emplois) et premier exportateur
du pays. Avec une croissance de 33% en 2003 et de 15% en 2004, les
exportations textiles tiraient véritablement l’économie
du pays vers le haut. Conséquence de l’impact attendu
de la fin des quotas : le déficit commercial devrait se creuser
encore un peu plus, passant de 699 millions de dollars cette année
à 790 millions l’an prochain. Au-delà de ces
considérations macro-économiques, la chute des exportations
textiles, si elle se confirme, pourrait déséquilibrer
un peu plus le fragile équilibre économique des campagnes,
où vit 80% de la population. La confection constitue en effet
un élément clé de la vie en zone rurale, la
plupart des ouvrières employées dans les usines implantées
dans les agglomérations envoyant une partie de leurs revenus
à leur famille.
Mais si l’horizon semble devoir s’assombrir l’an
prochain avec la fin de l’accord multifibre, l’élément
le plus inquiétant de ce rapport réside sans doute
dans le fait que l’économie cambodgienne a déjà
montré cette année des signes de ralentissement, alors
que l’ensemble de la zone a enregistré en 2004 une
croissance record de 7,1%, l’un des plus forts taux depuis
la crise asiatique de 1997. Le taux de croissance du royaume est
ainsi subitement tombé de 5,2% en 2003 à 4,3% cette
année, en raison, explique la Banque mondiale, d’un
ralentissement de l’activité agricole et des faiblesses
structurelles d’autres secteurs.
Pour tempérer quelque peu le pessimisme de ses prévisions,
l’institution financière se félicite néanmoins
de l’adhésion du pays à l’Organisation
mondiale du commerce (OMC), et place tous ses espoirs dans la “stratégie
rectangulaire” du nouveau gouvernement, qui ambitionne de
créer un environnement économique plus favorable au
secteur privé. “Il est à espérer que
[ces priorités] se traduiront rapidement par des réformes
susceptibles d’accroître la confiance et d’inverser
le déclin de la croissance économique”, conclut
la Banque dans son communiqué. SoS
Sombres perspectives, selon le FMI
`
Le représentant du Fond monétaire international (FMI),
Robert Hageman, a dressé hier un bilan peu flatteur de dix
années d’aide internationale au Cambodge, jugeant que
le développement économique observé sur cette
période n’avait pas joué sur les indices de
pauvreté et d’inégalité sociale. Il s’est
par ailleurs montré extrêmement pessimiste au moment
d’évoquer les perspectives pour les années à
venir, prévoyant une chute de la croissance de 4,3% cette
année à 1,9% en 2005, en raison notamment de la disparition
des quotas textiles.
M. Hageman a par ailleurs profité de la présentation
à la presse de ce rapport annuel préliminaire pour
répondre à un article du Figaro affirmant que le FMI
avait qualifié dans ce document le Cambodge d’”Etat
mafieux” : “Certes, nous avons conscience que l’application
de la loi est très imparfaite, l’impunité très
présente, que les riches ont le plus souvent raison contre
les plus démunis. Mais nous n’avons pas pour autant
qualifié le Cambodge d’Etat mafieux”, a-t-il
tenu à préciser avant de détailler les défis
qui attendent le pays à l’aube de son entrée
dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Menace sur le textile : Les exportations devraient, selon les prévisions
du FMI, chuter de 11,5% après la disparition des quotas américains
en 2005. L’industrie de la confection - artificiellement soutenue
par cet accord bilatéral conclu en 1996 qui avait fait grimper
les exportations textiles de 1 millions à 1,1 milliards de
dollars en 2003 - ne devrait pas résister à la concurrence
des pays voisins. “Le traitement préférentiel
des quotas a masqué le manque de compétitivité
du pays, estime Robert Hageman. Le gouvernement a été
surpris par nos prévisions. Ils étaient visiblement
moins pessimistes”. Sans vouloir faire de “procès
d’intention”, le représentant du FMI estime “risqué”
de miser sur d’éventuelles mesures compensatoires des
Etats-Unis ou sur une éthique toute théorique du commerce
international. Les observateurs les plus optimistes espèrent
en effet que les “bonnes” conditions de travail en vigueur
dans le royaume lui permettront de séduire des acheteurs,
au détriment de pays nettement plus concurrentiels, mais
davantage épinglés pour leur non-respect du droit
du travail. Or, estime le FMI, afin d’accompagner la croissance
démographique, la confection, première industrie du
pays avec 220 000 salariés, devra continuer à créer
beaucoup d’emplois, “et il n’est pas dit qu’elle
y parvienne”. L’institution encourage le gouvernement
à développer la production de matières premières
afin d’attirer les investisseurs et de réduire les
coûts de production.
Aide internationale et développement rural : Représentant
12% du PIB, la coopération internationale depuis le début
des années 90 est absorbée à 50% par la coopération
technique, dont une grande part sert à régler les
salaires d’expatriés, déplore le FMI. Seuls
8% de cette manne sont consacrés au développement
rural, alors que 80% des pauvres vivent de l’agriculture.
“Il faut se concentrer sur la mise en place d’infrastructures
simples et non plus sur la production de rapports et d’études”,
estime l’institution. En tête des priorités :
les litiges fonciers et les titres de propriété. Si
36% du territoire est jugé cultivable (6,5 millions d’hectares),
seuls 2,4 millions d’hectares sont exploités, pour
0,3 millions d’hectares de terres irriguées. “La
superficie de terres arables n’a pas augmenté depuis
1996, en dépit du fait que la déforestation, désormais
ralentie, et le déminage se sont poursuivis”, note
le FMI.
Politique monétaire : Notant que près de 95% des
liquidités du pays s’expriment en dollars, le FMI estime
que le pays tirerait profit d’une dédollarisation de
l’économie à long terme afin de recouvrir une
certaine indépendance de sa politique monétaire et
de renforcer le rôle de la banque centrale.
Clementine Wallace
Le Monsieur a raison :
* l'aide internationale est, dans le meilleure des cas, nulle
et souvent apporte des effets pervers
* le Cambodge est un pays injuste mais pas mafieux
* les conditions de travail sont "bonnes", en fait on
devrait dire pas trop pire, disons qu'il n'y a pas d'esclavage ni
de travail des enfants
* malgré tout, on voit mal pourquoi les occidentaux achèteraient
les fringues faites au Cambodge si elles sont trop chères
* l'aide international passe à 50 % dans les salaires des
expatriés qui rédigent des rapports et font des réunions
* le pays a besoin d'infrastructures simples à la campagne
tel le trou de Don ou les cabanes des uns et des autres
* pas assez de terres irriguées (5% des terres cultivables)
d'où la valeur du trou de Don
|