Briser le cercle vicieux
de l'endettement des paysans
Le cercle vicieux est connu : chaque année au moment des récoltes,
des
paysans cambodgiens criblés de dettes sont contraints de vendre à
bas prix
leur production à des intermédiaires qui l'exportent au Viêt-nam et
en
Thaïlande. Au bout de quelques mois, les réserves s'épuisant, ces
mêmes
paysans sont obligés de s'endetter de nouveau pour racheter, au prix
fort
cette fois, du riz importé des pays voisins.
Afin de briser ce cercle vicieux et d'éviter qu'une part importante
de la
production nationale soit exportée au moment où les prix sont les
moins
favorables, la Banque de développement rural (BDR) a décidé
d'accorder pour
l'année 2004 un crédit de 680 000 dollars à cinq institutions
travaillant
auprès des paysans. Celles-ci auront notamment pour mission
d'accorder des
crédits relais à des taux "favorables" aux agriculteurs afin qu'ils
n'aient
plus à vendre leur production au plus mauvais moment. Une façon de
stabiliser les prix et d'éviter le recours aux importations alors
que le
pays est légèrement excédentaire en riz. "Nous ne voulons plus que
le riz
cambodgien soit exporté du fait que les paysans manquent d'argent",
souligne
Son Koum Thor, le directeur de la BRD.
Un phénomène que connaît bien Prum Mari, le directeur de
l'Organisation du
développement économique rural du Cambodge (Oderc), qui est présente
dans
les provinces de Siem Reap, Banteay Meanchey, Pursat, Oddar Meanchey,
et
plus particulièrement dans les anciens districts khmers rouges de
Malay et
de Samlaut, dans la province de Battambang. "Il est presque
systématique que
les paysans les plus pauvres vendent leur riz à bas prix pour le
racheter
beaucoup plus cher ensuite", a-t-il témoigné.
Ce mécanisme infernal pourrait être brisé selon lui grâce au projet
de la
BDR, qui permettrait d'accorder des prêts au taux d'intérêt mensuel
de 3%,
contre 7% chez les usuriers. "Nous souhaitons transformer ces
anciennes
zones de combats en zones de développement agricole en y
diversifiant les
cultures avec du maïs rouge et du soja, qui représentent des
produits d'
exportation intéressants", a précisé Konn Thor.
Les rizeries du Cambodge elles-mêmes ne sont pas épargnées par le
phénomène
d'évasion du riz. C'est ainsi que la société Cambodia Rice a prévu
d'
exporter cette saison 100 000 tonnes de paddy au Viêt-nam et de 30 à
40 000
tonnes en Thaïlande. Un comble alors que l'objet d'une rizerie est
de
produire du riz décortiqué, admet Phour Puy, le président de la
Fédération
des rizeries du Cambodge. "Mais il n'y a pas de demande pour du riz
décortiqué en cette saison et nous n'avons pas les moyens de faire
des
stocks", affirme-t-il. "Résultat : les rizeries locales ne
fonctionnent pas
et n'offrent guère de travail aux ouvriers." Les exportations de riz
décortiqué de Cambodia Rice, les seules à générer une vraie
plus-value, ne
dépasseraient pas les 3 000 tonnes (à destination de la Malaisie, de
la
France et de la Belgique), déplore le responsable.
Pour Phour Puy, dont la Fédération figurera comme l'Oderc parmi les
emprunteurs de la BDM, un volume de crédits important permettrait
aux
rizeries d'acheter plus de riz aux paysans et surtout de le stocker.
"Cela
permettrait de stabiliser les cours et c'est le Cambodge qui
bénéficierait
de la plus-value des opérations de décorticage", estime-t-il.
Ky Soklim
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